Fraicheur d'été [libre]

Il était aux alentours de midi lorsqu'Aramis arriva près de la rivière. Il faisait très chaud, même à coté d'un endroit frais comme la rivière. La jeune jument était pleine de boue, chose qui la dérangeait, non pas pour son apparence dont elle se fiche éperdument, mais qui la gênait à cause de ses piqures d'insectes un peu partout. Elle s'approcha vers le mince filet d'eau, et s'y trempa les naseaux. Une sensation de fraicheur l'envahit. Elle entrouvrit la bouche, pour pouvoir boire.
Une fois qu'elle fut complètement désaltérée, elle entreprit un nettoyage complet. D'abord, les membres, qui se nettoyèrent rapidement grace au courant. Puis, elle s'aventura vers l'endroit le plus profond de la rivère. L'eau lui arrivait jusqu'au poitrail.
Une fois propre, Aramis remonta le courant jusqu'à arriver à un endroit plus rafraichissant que celui où elle était arrivée. Elle sortit de l'eau, et s'approcha d'une touffe d'herbe. Tout en la machouillant, elle commença à fermer les yeux. Elle ne se souvenais même plus depuis quand elle n'avait pas dormi. Surement depuis longtemps, car elle s'assoupit très vite. Quand elle se réveilla, le soleil se couchait à peine. Le ciel était d'un orange apaisant, et les températures était plus clémentes. Aramis se releva, et renifla le sol doucement. Elle croqua quelques brins d'herbe puis s'arrêta. Elle entendait quelque chose. Un cheval ? Oui, surement. Mais, la question était plutot "Qui ?".

Le soleil qui se couchait laissait un joli reflet orangé sur l'eau, le doux son du courant de la rivière, ses sabots au bord de l'eau, la jument eu un instant nostalgique en repensant aux promenades nocturnes avec son frère au bord du lac près de chez eux. Une douce brise qui faisait valser ses crins la fit sortir de ses pensées. Elle plongea le bout de ses naseaux dans l'eau, avalant quelques gorgées. La noire releva la tête quelques secondes après, un fin fil d'eau coula le long de ses lèvres. Son regard noir brillait à la lumière du soleil couchant, il se posa plus haut, bien plus haut. La jument décida de remonter la rivière. Au bout de quelques minutes de marche au bord de l'eau, elle sentit la présence d'un autre cheval. Elle hésita quelques secondes à se rapprocher, mais finalement, pourquoi pas ? Elle venait d'arriver, autant créer des liens tout de suite, à savoir si ces liens seraient bons ou mauvais. Qu'importe, qui ne tente rien n'a rien, et puis comme à son habitude, sa curiosité l'emporta encore une fois. Elle se rapprocha et pu enfin voir l'inconnue. C'était une jument grise qui grignotait quelques brins d'herbes qui traînaient sur le sol. A son approche, la grise s'arrêta en plein dîner. La noiraude se rapprocha un peu plus, afin que l'autre puisse enfin l'apercevoir. Cette fois, Ptath décida de la jouer sociable, sinon ça ne risquait pas de fonctionner. Elle salua alors la jument esquissant un petit sourire.

- Bonsoir. -

Curieuse, Aramis tourna les oreilles en direction du bruit. Une silhouette qui marchait se dessinait au loin. Celle ci se rapprocha encore, jusqu'à ce qu'on puisse distinguer la forme d'un cheval. C'était une jeune jument à la robe sombre et à l'allure fière et élancée. Depuis son arrivée dans cette partie des Etats-Unis, Aramis n'avait vu aucune jument seule, douceur dans un monde de brutes (soi-disant !).*Soit il n'y en a pas, soit elles sont toutes casées*. Elle rit intérieurement, il ne fallait pas se laisser controler par ses pensées, rigoler lors d'une rencontre n'était pas poli. Et surtout vexant pour certaines personnes. Aramis observa la jument qui se trouvait devant-elle. Elle n'aimait pas ceux qui avaient une haute opinion d'eux-mêmes, mais qui, face aux dangers se révelaient être de vrais "poules moulliées". Il fallait rester soi-même et ce dans toutes les situations. Mais, l'équidé qui lui faisait face ne semblait pas faire partie de cette catégorie. Elle parrassait d'une grande intelligence et d'un esprit pratique très développé. Deux qualités importantes dans la vie sauvage. Aramis ne débuta pas la conversation, manque d'idée, remplir les blancs, ce n'était pas pour elle, esperons que l'autre jument sera plus sociable et débutera avant qu'elle devienne mal à l'aise. Elle sourit et pris la parole :

- Bonsoir. -

Aramis regarda le ciel un instant. Ah oui, il était bien plus tard qu'elle ne le pensait. Elle répondit d'un signe de tête et se décida à parler.

- Egalement ! Je m'appelle Aramis, et ...elle hesitait entre le vouvoiement, plus poli et surement plus adapté à la situation, et le tutoiement, plus familier, et vous ?

La jument regarda dans sa direction, elle l’avait enfin vue. Elle lui retourna les salutations, et finit par se présenter. Malheureusement pour la noiraude, la jument en face d’elle n’avait pas l’air d’humeur bavarde ce soir… Peut-être que ça viendrait plus tard, elle verrait bien. Elle lui demanda poliment de se présenter, un peu trop poliment d’ailleurs. La jument n’avait absolument pas l’habitude de vouvoyer, et encore moins d’être vouvoyée. En même temps, elle n’avait pas connu grand monde dans sa petite vie. Mise à part les chevaux de l’ancien troupeau dont elle avait été membre, son frère et cette autre jument… Elle ne connaissait pas grand monde, il fallait l’avouer, et comme elle les avait tous perdu, autant dire qu’elle ne connaissait vraiment personne… Bref, elle ferait d’autres rencontres, ce n’était pas un problème, c’est juste que ça ne sera jamais plus pareil…

- Ptath. -

Elle esquissa à nouveau un petit sourire, non pas qu’elle se forçait, mais elle ne voulait pas faire trop mauvaise impression, montrer à la première rencontre qu’elle ne ferait pas confiance à cette jument, ça n’allait sûrement pas faire avancer les choses… Bref, elle commença à engager la conversation.

- J’ai pas trop l’habitude de vouvoyer… Désolée… On peut se tutoyer ? -

- Désolé, c'est le froid, j'ai du passer trop de temps dans l'eau, dit-elle

Ptath restait à l’endroit où elle se trouvait, observant les faits et gestes de l’autre jument. Quand elle se mit à rire, elle ne comprit pas tellement pourquoi… Elle n’avait rien dit de drôle, du moins, elle ne pensait rien avoir dit qui fasse rire quiconque d’un coup de cette manière, mais bref, passons, l’heure n’était pas à se poser ce genre de question. Par chance, Aramis n’était pas du genre à dire des « vous » à tout bout de champ, elle préférait tutoyer. Les deux seront au moins en entente sur une chose… Elles étaient donc d’accord pour se tutoyer. Super, alors soit ! Puis un sacré bruit émana de la jument grise. Pas super discrète la femelle quand elle éternue… Enfin, Ptath s’en moquait, elle n’en avait rien à faire. Et elle se remit à éternuer de plus belle ! La noiraude espérait bien que la discussion ne serait pas seulement remplie d’éternuements, surtout que ceux-ci n’étaient pas des plus agréables… Puis vient une ribambelle de questions, la jument n’avait même pas le temps de répondre à la première qu’Aramis en était déjà à la quatrième… La noire respira lentement, et fixa longuement la jument avant de lui répondre. Pas question de dévoiler toute sa vie comme ça ! Niet ! La jument n’aura que de simples fragments. Elle ne saura jamais tout.

- Bah.. Non, je suis pas née ici, j’ai parcouru un grand chemin avant d’arriver ici. Et les voyages ne sont pas ma tasse de thé, non, tu as bien saisi, c’est une raison plus sombres, comme tu l’as dit… -

La jument ne laissa échapper aucun regard de nostalgie ou même de peine. Elle avait plutôt un regard rempli de reproche, voir de haine. Elle leur en voulait à tous, tous ceux qui l’avaient abandonner. Elle ne voulait plus pleurer, plus être triste. Elle avait grandit, elle n’était plus une enfant. Puis, elle regarda la jument d’un air un peu plus tendu qu’au départ. Elle ne lui en voulait pas à elle, elle ne pouvait pas savoir, elle.

- Et toi ? -

- Je suis arrivée ici il y a peu. C'est la fin de ma longue fuite. Un repos inespéré ! Moi aussi, je ne suis pas là pour une croisière, mais bien à cause d'un évènement noir. La vie ne nous a décidément pas gatées ! Elle marqua un temps de pause. Et sinon, des passions dans la vie ?

Comme elle s'y attendait, la jument grise n'en révéla pas plus qu'elle sur son passé. Ce qu'elle trouva logique, si elle ne dévoilait rien, pourquoi les autres se dévoileraient à elle. Mais bon, comme toujours, cela ne l'affectait pas plus que ça, elle savait très bien que les autres se comporteraient de la même manière qu'elle se comporteraient avec eux. Y a pas d'secrets dans la vie, les autres nous rendent c'qu'on leur donne, enfin, ça marche pas toujours comme ça, et Ptath le savait très bien. Elle n'était plus aveugle. Aramis n'était pas là pour prendre du repos, elle non plus, ce qui étonna la jument. Elle commençait à se demander s'il y avait des chevaux avec un passé heureux sur ces terres. Bref, la noiraude n'en demanda pas plus sur le passé de la grise. Si elle voulait en savoir plus, elle devrait également en dire plus, et ça, elle n'en avait absolument pas envie. Elle espérait fortement qu'Aramis change de sujet, et par chance pour elle, c'est ce qu'elle fit. Des passions dans la vie ? Hélas la jument n'en avait pas. Elle n'aimait plus rien, plus personne. Parfois, elle aimerait bien errer seule sur une île déserte, sans rien, pour seule compagnie un ou deux palmiers et la mer... Malheureusement, on a pas toujours ce qu'on souhaiterait avoir. D'ailleurs, Ptath n'avait rien de ce qu'elle aimerait avoir. Des amis, une famille... Elle n'avait plus rien, elle avait tout perdu. Et grâce à l'ultime trahison, elle s'était renfermée comme une huître, laissant un seul mot sur son coeur : "Complet !". Elle avait longtemps interdit à quiconque de rentrer dans sa vie, elle n'avait plus aucun sentiment bienveillant à l'égard de personne, elle ne s'accrochait plus aux autres. Elle voulait les ignorer, mais après une longue réflexion et remise en question d'elle même, elle avait fini par se relever, et maintenant, elle voulait avancer, montrer à tous ceux qui l'enfonçaient qu'elle pourrait se débrouiller sans eux.

- Des passions... Je n'ai plus eu la moindre passion pour quelque chose, ou même quelqu'un depuis bien longtemps. -

Elle avait répondu à la jument, d'une voix tout à fait neutre, sans écorcher une seule syllabe. Elle était des plus sincères dans cette phrase. Ca ne lui faisait plus mal de la prononcer, elle ne pleurait plus sur son frère, sa mère et tous les autres. Elle avait bel et bien fait une croix sur tout ce petit monde. Elle regardait Aramis droit dans les yeux, la grise pouvait voir dans ses yeux qu'elle n'avait pas le moindre sentiment dans ses paroles, si ce n'était celui de la haine.

- Je te demanderais bien ce qu'il en est de tes passions également, mais tu as l'air aussi écorchée que moi par la vie. -

- Des passions... Je n'ai plus eu la moindre passion pour quelque chose, ou même quelqu'un depuis bien longtemps. -

L'autre parlait d'une façon très fluide. Les mots arrivaient et repartaient, comme l'eau de la rivière qui défilait devant elle. Aramis s'attendait à ce que la jument noire lui renvoie la balle, ce qu'elle aurait fait elle aussi. En effet, elle lui posa la même question, mais ça ne la gênait pas le moins du monde, c'était normal après tout, faire connaissance, ce n'était pas que d'un coté. Ce n'était pas "une pose les questions, l'autre répond" et point. C'était un échange.

- Bien sur que si j'en ai ! dit-elle amusée. Elles ne sont pas toutes louables (et même carrément blâmables pour certaines mais ça, elle ne le précisa pas), mais ce sont des occupations "comme les autres". Un peu d'originalité ne fait pas de mal dans ce monde ! Voyons, qu'est ce qui me passionne au point que je puisse en parler ... Parler ! J'aime beaucoup parler (*pour ne rien dire aussi*) ! Mais surtout parler "bien". Et réfléchir aussi. C'est bien des fois. Après, j'aime la poésie, la philosophie et ... le ciel. ça m'a toujours fascinée ! *Et pas que moi d'ailleurs*. Ce ne sont pas vraiment des passe-temps d'équidés, mais jouer la mère attentionnée et la jument condamnée à ne faire qu'offrir une descendance à un étalon arrogant, ce n'est pas du tout mon truc !

Elle secoua la tête et fit retomber son toupet sur son front. Tout-être avait droit de choisir sa destinée. Pourquoi les juments devraient toujours être à la botte d'un étalon et les suivre aveuglement ? Peut-être un jour se laisserait-elle tenter par une vie de groupe mais elle voulait rester ce qu'elle était aujourd'hui : une jument vraiment libre. Mais elle se taisait. Elle ne voulait imposer sa pensée. Chacun pouvait penser ce qu'il voulait, mais le dire ... Elle avait déjà rencontré des juments très attachée à cette foutue "tradition". Un peu de changement que diable ! Ptath n'était pas de ce genre, Aramis le sentait et l'espèrait aussi. Aramis l'avait déjà vécu, et la séparation n'avait été que trop dure, puisqu'elle n'était pas prévue. La jument noire aussi l'avait vécu cette situation, ce n'était pas difficile à sentir. Le ton de la jument laissait entrevoir une certaine colère envers un groupe. Son troupeau d'origine peut-être pas. Plutot sa famille. Mais rien n'était sur. D'habitude, Aramis lisait dans les yeux, mais ceux de Ptath semblaient fermés sans les être vraiment. C'était étrange. Mais c'était comme ça. Il lui semblait que l'autre jument l'avait accepté à présent :
Le monde n'est pas aussi beau qu'on le nous raconte ...

Effectivement, Aramis devinait bien, trop bien même.. Ptath n'aimait pas la vie de groupe, elle n'aimait pas les liens qui liaient certains êtres à d'autres. Aussi bien l'amour, ou même l'amitié. Depuis la rupture avec son frère, elle restait seule, c'était la seule façon pour elle de se protéger, et surtout de garder sa liberté. Si Aramis ne préférait pas exposer son oint de vue, la noiraude n'était pas du genre à garder sa langue dans sa poche !

- Et bien, il faut croire que nous sommes du même avis là-dessus.. Je ne suis pas à la recherche d'un étalon non plus, l'amour, les poulains.. Tout cela me donne la nausée rien qu'en y pensant ! Je ne supporte pas de voir toutes ces juments se remuer devant le premier étalon qui passe avec l'unique envie d'être soumise à un mâle et de lui donner de jolis petits poulains pour être rejetée du jour au lendemain. Mais après tout, je n'peux pas leur en vouloir, ces demoiselles n'y sont absolument pour rien, elles sont vives et pleines de rêves, un peu trop de rêves, c'est sûrement ça d'ailleurs, qui les empêchent de voir la réalité en face... Elle ne sont qu'une passade de la vie d'un mâle. Lorsqu'une autre belle leur tourne autour, ces chers messieurs sont incapables de détourner les invitations. Ils prennent plaisir à faire souffrir, à trahir.. Bref, ce n'est que mon point de vue, il doit sûrement y avoir quelques exceptions.. -

Les execptions.. Peut-être bien, peut-être pas. Qui le savait au juste ? Ptath savait qu'au fond, elle ne pourrait jamais vraiment detester son frère. La famille, même avec un nombre infini de coups bas, ça reste la famille. Son frère restera à jamais son frère.
Aramis semblait à présent plongée dans ses pensées. Peut-être elle aussi avait vécu une mauvaise histoire avec un frère, un ami ou encore peut-être avait-elle déjà vécu une histoire d'amour avec un étalon quelconque... Allez savoir ! Seule la grise avait la réponse, et Ptath n'aimait pas qu'on fouille dans sa vie, alors fouiller dans la vie des autres n'était pas son truc non plus. Si Aramis voudrait lui en parler un jour, la jument l'écouterait volontiers, mais elle n'irait pas cherhcher à savoir elle. Ca ne voulait pas dire qu'elle n'était pas intéressée, bien au contraire, juste qu'elle n'aimait pas vraiment se mêler de la vie des autres comme elle n'aimait pas qu'on se mêle de la sienne..
Aramis fut sortie de ses pensées par une espèce d'insecte volant qui s'amusait à jongler entre sa croupe et ses postérieurs.. L'accueil fut de vigueur. La jument l'évacua en quelques secondes. Mais l'intrus qui fut mal accueille se contenta de changer de perchoir et vint se poser sur la croupe de la noire. Celle-ci d'un mouvement de queue envoya balader la pauvre bête d'un méchant coup de crins. Que l'intrus revienne, il serait servi !

- Personnellement, je ne crois pas au destin, du moins, pas à ce destin là. Nous ne sommes pas tous faits pour vivre en bande, moi-même, je préfère amplement la solitude. Il faut dire que je ne suis pas vraiment sociable. Je ne parle pas aux chevaux que je ne connais pas, je laisse les autres chevaux me choisir, et après, je vois si je veux les garder auprès de moi ou non. -

Ptath écoutait la jument, mais la discussion commençait à la lasser.. Les troupeaux, les deux juments n'en voulaient pas, elle avaient donner leur avis, d'accord, mais la discussion s'éternisait un peu trop sur le même sujet.. Bref, apparemment Aramis en avait marre aussi puisqu'elle partit vers la rivière. Elle rentra délicatement dans l'eau, invitant la noire à la rejoindre. « Euh.. Non, pas envie ! ». Elle aurait pu répondre ça, mais elle se dit qu'elle pourrait être un peu plus sympathique, surtout si elle voulait faire de nouvelles connaissances.. Mais elle ne voulait quand même pas rentrer dans l'eau..

« Merci d'avoir proposé, mais j'ai pas tellement envie de me baigner.. »

Puis, disons qu'elle en avait quand même un peu marre de rester au même endroit pendant des heures. Si Aramis avait besoin de bouger, Ptath aussi. Et là, à l'instant, elle avait envie de partir. Son indépendance, sa solitude, c'était des choses qu'elle aimait quand même beaucoup par moments, et là elle voulait être seule..

« Je vais partir, nous nous reverrons une autre fois. »