Balade plus si matinale que ça

Aramis avait l'air emballée par l'idée de Nirvana, cela lui faisait plaisir bien sûr, mais elle flippait un peu aussi. Elle avait peut-être à moitié espéré que la jument grise refuse, ce qui aurait été le meilleur moyen pour elle d'échapper à la peur. Non pas que c'était une trouillarde (euh, sauf en endroit inconnu... ok, c'était une vraie froussarde) car elle n'avait pas peur de l'homme, elle savait qu'ils étaient capables du meilleur, et elle n'avait jamais eu de problèmes avec eux... tant qu'ils ne la montaient pas. Mais voilà, aller là-bas ça signifiait prendre le risque de se faire reprendre, et re-harnacher, et re-monter, et re-souffrir... donc oui elle avait un (tout petit) peu peur. Mais elle était dans une période aventurière (sûrement à cause des chaleurs, elle ne se sentait plus pisser (littéralement) la pauvre hahaha), et décidée à aller au bout. Surtout qu'elle avait bien l'impression qu'Aramis était une tête brûlée, et elle sentait qu'avec elle, elle pourrait vivre des aventures bien exaltantes. Ah ! Que oui, elles partaient à la conquête de l'ouest ! (le ranch était bien vers l'ouest hein..??)

Elle partit donc au petit trot, sûre de la direction. Sans savoir pourquoi, le chemin qu'elle avait pris pour s'enfuir du ranch était resté gravé dans sa mémoire. Il suffisait de le reprendre à l'envers ! Peut-être parce-que c'était un moment d'intense panique... et qu'elle avait été sauvée pile à temps par le beau Ice... Ah ! Et dire qu'il ne voulait pas d'elle ! Ahem, elle reconnaissait donc le moindre bosquet, le moindre virage entre les arbres, le moindre sillon dans un chemin tracé par les passages... aussi l'écosse des arbres et la forme et la position des branches. Bref, elle connaissait le parcours sur le bout des doigts. Au bout d'un certain temps, elle repassa au pas et avança plus lentement, tête basse, sa queue se balançant de droite à gauche au rythme de ses foulées. Les mouches commençaient à envahir le bateau, et la chaleur devenait accablante. Et y'a pas à dire, le noir ça attire la chaleur ! (mais ça amincit aussi... Nirvana en était d'ailleurs très fière #SBAFF) Et finalement, après plusieurs minutes de marche (looongue marche avec ce soleil !), Nirvana s'arrêta brusquement, sa tête d'arabe levée haut, les naseaux au vent. Elle venait de sentir l'odeur des hommes, cette odeur entêtante qui vous prend au nez pour ne plus vous lâcher. Celle qu'elle avait cessé de sentir après toutes ces années tant elle y avait été habituée, mais qu'elle avait appris à oublier... quoique, elle s'en souvenait bien finalement... Elle sentit également l'odeur du cheval castré, celui du mâle qui n'excitait pas du tout même quand on était en chaleur. Il y en avait donc deux dans le paddock. Celui où l'abreuvoir, d'un vert criard, était resté là, au même endroit. Elle sentait même une bribe d'eau fraîche par là-bas... ça lui donnait l'eau à la bouche. Elle se retourna vers sa compagnone d'aventure.

" - C'est ici... le truc vert pétant là-bas, tu appuies dessus avec ton nez, sur le bâton noir qui est dedans au milieu, et tu as de l'eau fraîche qui coule à flot. Tu es prête pour y aller ? "

Elles étaient encore dissimulées derrière la végétation et le vent masquait leur odeur, mais elles n'avaient que quelques pas à faire pour être vues des hongres du paddock. La petite jument d'ébène n'avait pas encore vérifié la présence ou non d'humains...

Jason était au ranch depuis plusieurs mois maintenant, et il avait appris à profiter pleinement de cette vie. Certes, la musique lui manquait, même s'il jouait de temps en temps, ça ne remplaçait ni le groupe ni la sensation de donner du bonheur aux gens. Mais est-ce qu'il n'était pas plus heureux comme ça ? Le monde du showbizness ne lui convenait vraiment pas, et c'est en venant dans ce coin paumé, en reprenant une vie simple qu'il découvrait vraiment le bonheur. Il se demandait même s'il n'allait pas rester ici plus d'un an. Et puis renouer avec sa sœur, c'était la meilleure chose qu'il lui soit jamais arrivé ! Peut-être qu'il finirait par se lasser de ce coin où il ne se passe rien, mais pour l'instant, il voulait vivre dans cette simplicité là. Il pouvait ainsi rester lui même, se retrouver...

Ce matin là il venait de terminer de curer un box. Le palefrenier était débordé et sa soeur avait proposé de lui filer un coup de main. Naturellement, Jason était venu aussi, et il avait été heureux de mettre la main dans le crottin avec Célia. A présent il avait envie de profiter de sa fin de matinée libre, et pour ça il allait se mettre dans un coin tranquille, avec quelques chevaux autour. Car il avait découvert qu'ils étaient réceptifs à sa musique... Comme quoi il ne jouait pas pour rien, ça remplaçait pas les concerts (pas la même ambiance) mais c'était sympa aussi ! Il se trimballa donc sa guitare sur le dos, dans tout le ranch. Finalement, il arriva à l'extrémité sud du domaine, celle qui donnait directement sur les terres sauvages. Il dégota un paddock où il trouva quelques hongres, sûrement les oubliés du ranch - ou les retraités il n'en savait rien, c'était pas marqué sur leur front non plus !

Il s'assit en tailleur dans la poussière, sortant sa guitare de sa housse. Il l'accorda en quelques secondes et posa les doigts sur les cordes, réfléchissant à ce qu'il allait pouvoir jouer - un de ses nouveaux morceaux fraîchement composés ? A ce moment, il fut interrompu par un hennissement assez singulier. On aurait dit un cheval qui... riait. Si si j'vous jure, il est pas encore totalement cinglé ! C'est alors qu'il releva la tête, et que son regard se posa sur une superbe jument grise qui buvait à l'abreuvoir. Mais qui était du mauvais côté de la barrière... Il eut un léger rire, elle avait l'air d'être une marrante celle là !

" - Salut toi, alors t'avais une petite soif ? Elle est bonne j'espère ? "

Il riait, mais il n'osait pas franchement bouger et encore moins se lever, de peur de faire fuir cette jument. Elle avait plus de classe que les hongres blasés enfermés, et il se doutait qu'un cheval sauvage, ça s'enfuit rapidement...

[Voilà, tu peux répondre, le prochain je reprendrai avec Nirvana, etc ]

Pendant la petite approche d'Aramis, Nirvana était restée en retrait. Mais en voyant l'assurance de sa compagne, elle se dérida bien vite. Il n'y avait pas un humain dans les parages et par conséquent, pas un pour les embêter. Même l'odeur ne la dérangeait pas, elle avait vécu dedans pendant trop longtemps pour en avoir peur. D'ailleurs elle ne l'associait pas directement à ses mauvais souvenirs car même si les hommes étaient responsables de ses souffrances, elle avait eu des bons moments avec eux. Ils ne lui faisaient pas peur, elle avait aimé leurs friandises, leurs câlins et leurs grattouilles à la brosse. Elle avait apprécié aussi leurs jeux, comme les suivre au bout d'une corde, jouer au chat et à la souris dans un rond de longe. Oui, tout ça elle avait bien aimé, et même si ça ne lui manquait pas car elle préférait de loin la liberté, elle n'avait pas peur des hommes pour ça.

Néanmoins elle se méfiait. Car c'était aussi eux qui lui avaient fourré un barreau de métal dans la bouche qui lui avait cisaillé les lèvres jusqu'au sang. C'était eux qui l'avaient martelée de coups de cravache sur le flanc jusqu'à ce qu'elle devienne folle. Elle restait derrière Aramis par sécurité. Mais elle n'avait pas peur de l'homme, non, elle n'avait peur que du matériel qu'ils utilisaient. Elle savait reconnaître un licol au premier coup d'oeil, ainsi qu'un filet ou une selle. Si l'un d'eux arrivait avec un de ces machins là, elle fuirait sans hésiter, même si on lui tendait une de ces friandises au miel dont elle raffolait tant. Même un saut de granulés ne saurait avoir raison de sa méfiance.

Un humain arriva. Il avait un drôle de truc sur son dos, la jument d'ébène se méfiait. Elle observa l'homme sortir une chose de sa housse noire, et se détendit. Ce machin ne ressemblait à aucune sorte de harnachement possible. Elle n'avait pas de souci à se faire. Elle se détendit alors considérablement, considérant la présence de l'humain avec indifférence, il lui inspirait autant de confiance que les hongres parqués dans l'enclot. Elle était pénard juste derrière Aramis, en position debout de repos, jusqu'à ce qu'elle se fasse bouler par la jument grise qui reculait. Elle sursauta avant de reculer également - c'est pas que l'arrière train de Mimis la dérangeait non plus, au contraire, elle l'avait trouvé tip top ! - tout ça pour lui laisser une liberté de mouvement. Question de respect quoi ! La petite jument s'amusa alors à regarder sa camarade. Cette dernière était en train de détailler l'humain avec méfiance mais surtout, surtout avec une curiosité impressionnante. A croire qu'elle était en train de le dévorer des yeux pour comprendre ce que c'était - au cas où ça se mangeait sûrement ! Oui, Nirvana se marrait bien. Mais en pensant à des trucs qui se mangent, elle se rappela que son ventre était déjà trop plein, rempli d'une tonne de fruits. Oups, et des fruits qui descendent vite ! Elle s'approcha de l'enclos jusqu'à toucher la barrière du paddock et colla sa croupe presque celle-ci. Elle laissa alors son délicieux repas de tout à l'heure descendre relativement rapidement. Une fois cette courte opération de marquage de territoire terminée, elle reporta son attention sur Aramis qui lui demanda si c'était un vrai...

" - Oui c'est un vrai ! Il bouge pas pour pas nous faire peur, ils font souvent ça quand ils sont sympa. Et t'inquiète pas, ils se mettent toujours dans des tas de positions bizarres avec leur corps à deux pattes, mais c'est pas pour ça qu'ils sont dangereux - au contraire si tu regardes bien certaines positions, tu te rendras compte qu'ils sont super marrants parfois. "

Pour montrer ce qu'elle avançait - à savoir qu'elle n'avait pas peur du tout - elle s'approcha franchement du côté d'Aramis - et de l'humain - et trempa son nez dans l'abreuvoir vert criard sans retenue. Elle but goulûment de nombreuses gorgées d'eau claire et bien fraîche. Ah ! elle avait oublié combien c'était bon !

Jason observait avec amusement le ballet des deux juments sauvages qui évoluaient devant la clôture. La grise semblait le détailler de haut en bas avec curiosité, pendant que la noire... s'en foutait pas mal de lui. Cool ! Il se mit à jouer un petit arpège rapide, introduction à l'une de ses chansons. Un air simple et répétitif, néanmoins doux et harmonieux. En fait, il s'amusait bien et projetait de poser sa guitare pour aller les caresser, si seulement elles acceptaient sa présence ici. Il tendit doucement la main vers les juments, observant leur réaction, leur montrant qu'il n'était pas totalement insensible à leur présence, qu'il était vivant, qu'il bougeait, mais qu'il ne fallait pas qu'elles s'en effraient.

C'était sans compter sur le numéro d'un des chevaux domestiques du paddock. Jason avait d'abord cru qu'il s'agissait uniquement de hongres vu leur comportement calme et inintéressé devant les juments, mais... l'un d'eux s'installa dans un galop confortable et sauta carrément la clôture. Jason se leva d'un bon en l'appelant, quelle attitude d'homme de cheval ! L'étalon n'en avait rien à foutre évidemment, à peine s'il savait reconnaître son nom en langage humain. Il était parti bien loin, et Jason ne savait pas du tout comment le rattraper. Car oui, c'était un étalon, il ne s'en rendait compte que maintenant ! Quel coup de saut, pour un hongre, une telle fougue serait inconcevable. Bon, c'est pas qu'il était dans la merde le Jason, mais pas loin. Incapable de retenir un cheval fugueur alors qu'il était à peine à quelques mètres de lui ! Il ne l'avait vraiment pas vu venir. Heureusement, l'étalon revenait au loin, et commença à se frotter aux juments. Ah ! S'il ne s'éloignait pas de la barrière, c'était un bon point...

Jason se retourna vite fait bien fait, décidé à aller chercher un licol. Il remballa sa guitare en vitesse, la remit sur son dos et partit en se retournant une dernière fois, les deux juments conversaient alors avec l'étalon. Au pire, il valait mieux qu'il demande à quelqu'un d'autre, à sa soeur par exemple, de rattraper l'étalon... Lui seul était capable de le faire s'enfuir plus loin encore ! C'est ainsi qu'il laissa les trois chevaux entre eux...

[Voilà, Jason est parti. La prochaine réponse est pour Aramis donc ]