Solveig E. Nachtfalter ♣ « Eleganz des Raben. »

La personnalité de Solveig, forgée au fil de nombreuses d'années de souffrance, est sans doute ce qu'il y a de plus compliqué chez lui. Dès son plus jeune âge, il s'avéra être quelqu'un de très complexé. Cela se manifesta tout d'abord au travers de son prénom, qui est en réalité un prénom... de fille. Un conseil, n'essayez jamais de vous en moquer, si vous tenez à la vie. Il paraît que l'on a tous un point faible, et c'est sans doute là celui de Solveig. Mais heureusement pour lui, rare sont les gens qui connaissent la nature de ce prénom peu répandu.
Solveig est quelqu'un de très intelligent, et surtout, très manipulateur. Déterminé et prêt à tout, il n'hésite pas à se servir des gens et à les détourner de manière à obtenir ce qui l'intéresse, et n'en éprouve absolument aucun remord... Enfin, pas toujours.
Cependant, sous sa cuirasse de célibataire froid et solitaire, de redoutable homme d'affaire, et même de tueur sanguinaire, Solveig cache une toute autre personnalité. Celle de l'enfant qu'il était autrefois, farouche et sensible, amoureux des belles choses. La musique est sa plus grande passion, avec les chevaux, il ne saurait vivre sans. C'est donc ainsi qu'il peut passer des heures enfermé dans une pièce à composer ou jouer des morceaux, toujours à la recherche d'un idéal de perfection.
Bref. On pourrait résumer le caractère de Solveig en une seule phrase : « Ne vous fiez pas aux apparences. » Le mal n'est pas toujours là où on le croit, et sous une apparence effrayante peut parfois se cacher une âme en peine qui ne demande qu'à aimer. Mais encore faut-il être capable de la percer à jour.

♣ Qualités: Sensible, déterminé, perfectionniste, attentif.
♣ Défauts: Solitaire, manipulateur, méfiant, impulsif.

Un petit garçon pleurait silencieusement dans la pénombre, recroquevillé contre le mur de pierre froid de la cave. Cela faisait maintenant près de trois heures qu'il était enfermé là, à sangloter dans le noir, ses bras frêles serrées contre son corps tremblant. Soudain, la porte s'ouvrit en grinçant et la silhouette massive de son père se dessina dans l'embrasure. Le garçon, aveuglé par le rai de lumière qui venait de fendre ses ténèbres se terra de plus belle dans son coin.
« Viens ici.
Il se leva, tout tremblant, et vint se planter devant son père, les yeux rivés sur le parquet, tordant nerveusement ses mains dans son dos.
- Regarde-moi, Solveig. Tu as compris, maintenant ?
Il leva les yeux vers son père et éclata en sanglots. Le claquement sec d'une gifle retentit alors dans le couloir sombre.
- Ne pleure pas. Ce sont les faibles qui pleurent. Est-ce que tu m'as compris ?
- Ou... oui papa...
- J'espère que ces quelques heures à la cave t'auront permis de réfléchir. Écoute bien, tu ne dois plus échouer. Tu dois être le meilleur. Toujours. Partout. Tu m'entends, Solveig ? Ne me déçois plus.
- Je... je te le promets, papa...
- Cesse de promettre, et agis. Tu seras le meilleur, mon fils, que tu le veuilles ou non. Le meilleur... »

Solveig est né en Allemagne, à Munich. Il n'a pas eu une enfance des plus extraordinaires. Elle fut même, je dois dire, tout ce qu'il y a de plus banale. Sa mère est morte lorsqu'il avait quatre ans, soi-disant dans un accident de voiture. Ce fut donc son père qui l'éleva. Très durement, d'ailleurs. Il voulait faire de son fils un être d'exception, et c'est pourquoi il s'attela dès le début à cette tâche, le faisant travailler comme un forcené, n'hésitant pas à user d'autant de menaces, d'insultes et de gifles qu'il était nécessaire. C'est donc ainsi que grandit Solveig, dans un univers où la médiocrité et l'échec n'avaient pas leur place. Il n'avait pas le droit à l'erreur, il devait toujours se montrer irréprochable, parfait. Sans quoi, il essuyait les coups de bâton et la colère de son père... Cela lui est vite devenu invivable, mais jamais il ne s'est plaint. Pourquoi n'avait-il pas le droit de s'amuser, de jouer, de sortir, comme les autres enfants de son âge ? Pourquoi était-il condamné à passer ses journées et ses nuits à travailler encore et encore ? Travailler, toujours travailler... Être le meilleur... Travailler toujours plus dur, pour atteindre la perfection... Tel était le désir de son père. Mais était-ce vraiment ce que lui, Solveig, voulait ? Non... Lui, il n'avait jamais demandé que l'amour d'une mère, celle qu'on lui avait arraché si tôt... Son père avait toujours dit qu'elle était morte dans un accident de voiture, mais lui n'y avait jamais cru. Il avait beau être jeune, il avait compris qu'il était peu probable que la disparition subite de sa mère et la violente dispute qui avait eu lieu entre ses deux parents la veille de l'accident, ne soient qu'une simple coïncidence... Une dispute à son sujet, en plus. Était-il en quelque sorte coupable de la mort de sa mère ? Il ne savait que penser... Quel poids, pour un petit garçon, que d'être partagé entre le désir de venger sa mère, et la crainte d'un père qui voulait faire de lui le sommet de la perfection... Mais il avait beau avoir peur, au fil des années, un sentiment d'injustice et de frustration grandit en lui, et son envie de vengeance n'en devint que plus forte.
Ce fut un soir d'automne que sa vie bascula. Solveig - alors âgé de dix-sept ans - et son père étaient à table. L'un demeurait silencieux, la tête basse, tandis que l'autre le noyait de reproches et de menaces. Ni l'un ni l'autre ne se doutaient alors de l'issue tragique de ce repas...

« Tu ne fais plus rien en ce moment.
- Je te demande pardon ? Ça fait trois nuits que je n'ai pas dormi. Je les passe à plancher ce fichu programme de révisions que tu m'as dit de faire, figures-toi !
- Ne me parle pas comme ça. Je vois bien que ton attention baisse de jour en jour. Je vois bien que tu te laisses aller !
- Évidemment, je suis crevé... Je n'ai pas besoin de tout ça. J'ai déjà 17 de moyenne, que veux-tu de plus ?!
- 17, ce n'est pas assez. Je veux la perfection, Solveig. La perfection, et rien d'autre. Tu dois travailler...
- Travailler, travailler ! Encore travailler ! Toujours travailler ! Tu n'as donc que ce mot à la bouche ?! Je suis humain, tu sais ! Moi aussi j'ai le droit de m'amuser, de sortir, comme tous les gens de mon âge ! Je ne suis pas une machine ! Je ne suis pas ta chose ! Laisse moi vivre, bordel !
- Comment ose-tu me parler ainsi... Moi qui ai sacrifié ma vie pour toi, qui t'ai tout donné, moi qui fais tout pour que tu deviennes un jour le meilleur qui soit !
- Tu n'as rien compris... Je ne veux pas être parfait, ni même doué. Je veux juste être normal. Je veux vivre !
- Cette fois ça suffit ! Tais-toi ! Tu es mon fils, tu feras ce que je dis et rien d'autre ! Et si tu refuses de te remettre au boulot, crois-moi je saurai t'y forcer !

C'en était trop pour Solveig, qui se leva d'un bond, le regard brûlant de rage. Il empoigna le couteau posé sur le rebord de son assiette, se jeta sur son père et le cribla de coups. Il frappait fort, toujours plus fort, sourd aux hurlement de douleur qui lui déchiraient les tympans. Le couteau se plantait dans la chair avec un bruit mat, déchirant tout sur son passage. La gorge, l'estomac, la poitrine... Les hurlements de son père n'étaient plus qu'un râle... Solveig frappait toujours, sans état d'âme, aveuglé par la rage et le sang qui giclait autour de lui... Il laissa retomber le corps sans vie de son géniteur sur le parquet souillé de la salle à manger et demeura figé sur place, le regard rivé sur le couteau ensanglanté qu'il tenait à la main. Il venait de tuer son père... Et il s'en fichait. Il ne ressentait rien d'autre qu'un immense soulagement. La liberté était sienne. Enfin...
Après ce soir-là, il quitta sa ville natale et n'y revint jamais. Il avait maquillé le meurtre de son père en cambriolage qui a mal tourné et s'était sauvé comme un voleur, emportant avec lui les quelques objets de valeurs qu'avaient eu ses parents. Il fut porté disparu, mais jamais retrouvé. Il changea son véritable nom de famille pour celui de Nachtfalter, et alla s'installer à Los Angeles, où il termina ses études.

Comme la plupart des étudiants, Solveig ne roulait pas sur l'or. C'est sans doute cela qui le poussa à plonger tête la première dans le trafic de drogue. Il n'en avait jamais pris et n'y comptait pas. Il ne voyait que les sommes d'argent astronomiques qu'il pourrait gagner... Et ce fut bien ce qui arriva. Quelques années plus tard, il fut nommé à la tête d'une chaîne d'entreprises vendant des conserves alimentaires, mais qui cachait en réalité tout un réseau de trafic entre plusieurs pays. Et maintenant qu'il n'avait plus à se soucier d'argent, il put alors se consacrer à sa passion : la musique et les chevaux. Passer ses journées au piano ou au violon, à siroter un verre d'un grand cru dans sa villa privée au bord de la mer ou bien en bonne compagnie dans un club d'équitation réputé de LA, avec pour unique travail de la paperasse à signer et parfois quelques personnes à abattre d'une balle dans la tête; ce n'était pas la vision qu'il s'était fait de son avenir, c'était encore mieux que dans ses rêves les plus fous... Il était riche et craint, il avait atteint le sommet. Il était le meilleur. Enfin...

Malheureusement, tout chose a une fin. Et le succès ne fait pas exception à cette dure règle. Un soir, un gang de trafiquants péruviens prit d'assaut le QG de Solveig. Il fut le seul survivant de la fusillade qui eut lieu, mais il n'en sortit pas indemne. Il reçut une balle dans le genou gauche, blessure dont il ne s'est jamais vraiment remis. L'empire qu'il avait mis tant de temps à bâtir venait de s'écrouler en une soirée... Il alla plus tard se terrer dans sa résidence secondaire, à Paris, où il demeura pendant près d'un an, terrassé par la perte de ce qui avait fait sa vie durant toutes ces années. Mais il lui restait tout l'argent qu'il avait amassé, c'était mieux que rien. Il décida alors qu'il était temps de se reprendre en main et de vivre enfin une vie normale. C'est donc ainsi qu'il regagna péniblement les États-Unis, malgré les mauvais souvenirs qui s'y rattachaient. Il ne voulait plus mener une vie illégale et pleine de danger, comme avant. Non, ce qu'il désirait, c'était un endroit paisible ou vivre et oublier un peu tous ses soucis. Ce fut totalement par hasard qu'il découvrit un jour l'existence du ranch dans une annonce de journal. Il hésita longuement à aller y faire un tour, sachant qu'il ne pouvait plus vraiment monter à cheval à cause de sa blessure au genou. Mais l'amour des chevaux était plus fort qu'un simple handicap physique, il ne pouvait se passer de leur présence... Il décida donc un beau matin de prendre sa voiture et d'aller voir de ses propres yeux ce lieu qui lui semblait le plus adéquat pour recommencer une nouvelle vie.
Le voici maintenant installé. Tout ce qu'il espère, désormais, c'est une vie paisible et sans ennuis où il pourra enfin se consacrer à ses passions.